Le proxénète est-il un chef d'entreprise ?

SUJETS SPECIFIQUES HEC - 

Le proxénète est-il un chef d’entreprise ? 

Sujet : « Un proxénète est-il un chef d’entreprise ? »

Problématique : Qu’est-ce qui définit un chef d’entreprise ? Est-ce uniquement l’organisation rationnelle du travail et la recherche de profit, ou cela implique-t-il aussi une légitimité sociale, morale et juridique ?

Accroche :

Le proxénète, figure marginale, exploite des individus pour en tirer profit. Mais s’il organise, investit, gère et répond à une demande : n’adopte-t-il pas une posture « entrepreneuriale » ?

Problématique : qu’est un « entrepreneur légitime » ?

I. Le proxénète peut formellement ressembler à un chef d’entreprise

1. Une logique de rentabilité et d’exploitation du travail d’autrui
   
   
   • Le proxénète génère du profit en exploitant une main-d'œuvre, organise les flux, optimise les revenus.
     
     
   • 📚 Réf : Adam Smith, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations — la division du travail et la recherche du profit sont les moteurs de toute organisation économique.
     
     
   • 🧪 Ex : les réseaux de prostitution organisés dans les ports marchands du XIXe siècle fonctionnaient déjà selon une logique capitaliste rudimentaire.
     
     
2. Organisation du personnel, hiérarchisation, délégation
   
   
   • Il met en place des dispositifs de contrôle, de surveillance, parfois de marketing.
     
     
   • 📚 Réf : Max Weber — la rationalisation bureaucratique du capitalisme moderne repose sur la gestion calculée, ce que fait le proxénète à sa manière.
     
     
   • 🧪 Ex : les « maisons closes » sous la Troisième République, parfois tenues par des réseaux mafieux très structurés.
     
     
3. Réponse à une demande existante : logique de marché
   
   
   • La prostitution répond à une demande sexuelle
     
     
   • 📚 Réf : Gary Becker — l’analyse économique du crime montre que des décisions illégales peuvent être rationnelles et utilitaires.
     
     
   • 🧪 Ex : la légalisation du proxénétisme en Allemagne a entraîné la professionnalisation du secteur et l’émergence de « patrons » de bordels réglementés.
     
     
4. Capital, investissement, risque : caractéristiques entrepreneuriales
   
   
   • Prise de risques (légalité, violence, police), réinvestissement des bénéfices dans la protection ou la publicité.
     
     
   • 📚 Réf : Schumpeter — l’entrepreneur est celui qui innove, assume le risque, et crée un marché.
     
     
   • 🧪 Ex : certains proxénètes investissent dans des lieux de nuit, des services annexes (voitures, vêtements) comme un entrepreneur diversifie.
     
     

II. L’absence de légitimité invalide la comparaison

1. Le cadre légal exclut le proxénétisme
   
   
   • Le chef d’entreprise est reconnu par la loi ; le proxénète est puni par elle.
     
     
   • 📚 Réf : Hans Kelsen — Théorie pure du droit : seul ce qui est conforme à la norme juridique peut prétendre à un statut légitime.
     
     
   • 🧪 Ex : Article 225-5 du Code pénal français — proxénétisme aggravé : jusqu’à 20 ans de réclusion.
     
     
2. Aucune reconnaissance sociale ni institutionnelle
   
   
   • Le chef d’entreprise déclare, cotise, rend des comptes ; le proxénète agit dans la clandestinité.
     
     
   • 📚 Réf : Durkheim — le fait social repose sur la reconnaissance collective ; sans cette reconnaissance, l’activité reste déviante.
     
     
   • 🧪 Ex : dans la Grèce antique, si la prostitution était tolérée, le proxénète (lenôn) restait méprisé et marginalisé.
     
     
3. Atteinte à la dignité humaine : exploitation de la vulnérabilité
   
   
   • Le proxénète tire profit du corps d’autrui, souvent contre sa volonté ou sous contrainte économique.
     
     
   • 📚 Réf : Kant — Fondements de la métaphysique des mœurs : l’humain ne doit jamais être traité comme un simple moyen.
     
     
   • 🧪 Ex : les systèmes de traite sexuelle de l’Europe de l’Est vers l’Europe de l’Ouest post-URSS : exploitation systémique.
     
     

III/ une incarnation des enjeux de l’économie informelle

1. Il remplit une fonction sociale en l'absence d'État

Là où les institutions (emploi, protection sociale, justice) échouent, l’économie informelle assure des fonctions de subsistance, de gestion des besoins, voire de sécurité.

• Le proxénète « offre » un emploi, une protection (même violente), une forme de “contrat”.
  
  
• Cf. James C. Scott, The Art of Not Being Governed → dans les zones grises de l'État, des structures « alternatives » émergent.

❝ À Castel Volturno, au sud de Naples, des réseaux nigérians organisent la prostitution de femmes migrantes. ❞

Elles sont endettées (ex : 30 000€ à rembourser pour la traversée), hébergées, « protégées » par un proxénète local.

2. Il participe à une économie parallèle massive, parfois tolérée

• L’économie informelle mondiale représenterait entre 20 et 40 % du PIB dans certains pays en développement (ILO, OCDE).

💰 2. Une économie illégale mais intégrée dans les dynamiques du marché globalisé

Selon Friedrich Schneider, l’économie informelle représente :

• En moyenne 16 à 20 % du PIB en Europe.
  
  

• Plus de 30 % dans certains pays du Sud.
  
  

Elle obéit à des logiques de :

• rentabilité
  
  

• gestion du risque
  
  

• innovation organisationnelle
  
  

• réseaux logistiques transnationaux
  ex;réseau “Loosli” à Genève Ce réseau suisse, démantelé en 2014, organisait la venue de femmes d’Europe de l’Est avec billets, faux papiers, hôtels, clients VIP, applications dédiées.
  
  

• Système comptable, optimisation fiscale, rotation des lieux, adaptation à la demande → véritable entreprise souterraine.

2. Un capitalisme urbain 

📚 Saskia Sassen (2006) : les grandes villes concentrent des systèmes économiques parallèles très organisés, qui assurent une forme de subsistance néo-capitaliste.

🎯 Le proxénète est à la marge du système… mais reproduit les structures du système à sa manière.

Le proxénète appartient à un ensemble plus large d’acteurs économiques exclus des circuits formels, mais qui reproduisent les logiques de l’entreprise :

• Le trafiquant de drogue, qui gère ses stocks, ses risques, ses investissements comme un logisticien.
  
  
• Le vendeur à la sauvette, qui adapte son offre à la demande locale.
  
  
• Le passeur de migrants, qui opère selon un modèle commercial internationalisé.
  
  

Des femmes originaires de Moldavie, de Bulgarie ou d’Albanie sont recrutées sous promesse d’emploi, puis prostituées en Allemagne, Autriche ou France.

Les réseaux contrôlent les logements, documents, déplacements, tarifs.

Rapport UNODC (Office des Nations unies contre la drogue et le crime) : la prostitution est la 3ᵉ source de profit illégal mondial après les armes et la drogue.