Ces misérables voient reluire les yeux du tyran et regardent tous ébahis les rayons de sa magnificience et, alléchés de cette clarté, il s'approchent et ne voient pas qu'il sse jettent dans la flamme, qui ne peut manquer de les consummer. Ainsi l'indiscret satyre comme disent les fables anciennes voyant briller le feu ravi par Prométhée , le trouva si beau qu'il alla le baiser et se brûla. Ainsi le papillon qui, espérant jouir de quelque plaisir, se met dans le feu parce qu'il reluit, éprouve l'autre vertu, celle qui brûle, comme le dit le poète toscan. Mais supposons encore que ces mignons échappent des mains de celui qu'ils servent, ils ne se sauvent jamais de celles du roi qui lui succèdent. Si'l est bon, il faut se rendre compte et se soumettre à la raison, s'il est mauvais et pareil à leur ancien maître , il ne peut manquer d'avoir des favoris qui , d'ordinaire, ne se contentent pas d'avoir à leur tour la place des autres, s'ils n'ont encore le plus souvent et leur bien et leur vie. Se peut-il donc qu'il se trouve quelqu'un qui, en si grand péril et avec si peu d'assurance, veuille prendre cette malheureuse place de servir avec tant de peine un si dangereux maître ? Quelle peine, quel martyre est-ce, grand Dieu ? être jour et nuit occupé à un plaire à un homme et néanmoins se méfier de lui plus que tout autre au monde, avoir toujours l'oeil au guet, l'oreille aux écoutes, pour épier d'où viendra le coup,
Discours de la servitude volontaire - La Boétie - Analyse linéaire, lecture liénaire incipit
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